La relation entre William et moi évoluait avec une forme et une dose d’amour qui nous était propre. Je ne m’affichais pas en public avec des preuves d’amour mais quelqu’un de moindrement observateur aurait remarqué que nous n’étions jamais bien loin l’un de l’autre. Nous partagions la même pièce de vie maintenant et les choses se faisaient naturellement. Je restais discrète sur nos nuits d’amour. Son fils était de retour et je passais beaucoup de temps à lui offrir des soins quitte à m’épuiser un peu au passage. Rien de bien méchant et j’avais déjà fait pire comme infirmière en bossant durant des heures interminables.

Je m’étais levée à l’aube après une nuit trop courte. J’avais volé un baiser à Will avant de me rendre à l’infirmerie. Je voulais m’assurer que mon patient allait bien. Je m’étais fait une tresse sur le côté et je portais un des pull de William car j’avais froid dès que je quittais le duvet et il y avait peu de magasins dans le coin. Je me disais que j’irais bien avec Will en ville pour prendre quelques petits trucs et chercher des médicaments mais chaque chose en son temps. Ma priorité était les soins de Skylar et son rétablissement dans l’immédiat. On m’avait dit que j’aurais de l’aide mais j’ignorais qui allait venir. Les médecins avaient bien d’autres choses à faire que de surveiller les patients et ce genre de chose.

J’étais donc occupée à faire des bandages avec un vieux drap de coton lorsqu’une jeune femme arrivait dans la pièce. Je lui faisais un sourire alors qu’elle se présentait. Je lui prenais la main pour serrer.

- Enchanté Kayle. Je m’appelle Sarah et je suis l’infirmière qui s’occupe de l’infirmerie. Tu as déjà suivi des cours de secourisme ou ce genre de chose?

Je lui parlais avec douceur en reprenant les ciseaux pour couper le tissus blanc. Je voulais savoir si elle avait une certaine base pour donner des soins et ce genre de choses. Je ne m’attendais pas à ce qu’elle installe une voie intraveineuse mais je pouvais lui montrer à faire de bons bandages solides ce genre de chose ou prendre la pression d’une personne.

Ainsi donc c’était la jeune femme qui était venue voir le fils de William à plusieurs reprises. Il est vrai que j’étais bien trop concentrée sur mon travail pour remarquer son visage. Elle avait des traits très doux. J’ignorais la nature de la relation qu’elle entretenait avec le jeune homme et cela ne me regardait pas. Je savais simplement, qu’elle était bienveillante à son égard et c’était ça qui me faisait chaud au coeur. La bienveillance était l’une de mes qualités et elle semblait la partager. C’était important pour soigner les gens.

- Ah oui! Maintenant que vous m’en faites part, je me rappelle de votre visage. Navré, j’étais un peu trop prise dans mon travail à ce moment là.

Elle me divulguait ensuite ses compétences alors que je continuais de couper le tissus avec précision. Je prenais mon temps pour bien le faire. J’étais délicate dans chacun de mes coups de ciseaux mais je ne perdais aucun mot de ce qu’elle me disait. Une qualité que j’avais développé en travaillant aux urgences et en salle de traumatologie. J’aurais été une mauvaise chef sinon. J’avais mis mon propre ordre dans la pièce et gare à celui qui viendrait changer mes choses de place. Je devais savoir par coeur où était mon matériel sinon, en cas d’urgence surtout, j’aurais de sérieux problème. Ce n’était pas le temps de chercher une compresse abdominale lors d’une hémorragie. Je devais savoir où était chacune de mes choses.

- J’ai toujours besoin d’un coup de main ici. Votre aide me sera précieuse. Ne vous inquiétez pas pour vos compétences.

Je la regardais dans les yeux et je reconnaissais bien là un regard que j’avais moi-même souvent. Un regard rempli d’espoir. C’était important pour moi de voir que les gens en avaient encore. C’était ce qui allait nous maintenir en vie et équilibré mentalement. Je terminais de couper la dernière bande de tissus et je continuais de l’écouter. Sa principale motivation était de s’occuper de son ami mais également des autres. Je la regardais ensuite dans les yeux alors qu’elle me précisait qu’elle se sentait inutile. Je posais une main rassurante sur le bras de la jeune femme malgré le froid de cette dernière. Oui, j’avais encore froid en permanence, je ne pouvais pas faire autrement.

- Écoutez moi Kayle. Personne n’est inutile ici. Vous avez fait des petites tâches et c’est déjà très bien. Vous désirez vous impliquer et il n’y a rien de plus noble à mon sens. Je vais vous montrer des petites techniques de soins et comment faire des bandages solides. Je peux vous montrer à prendre des signes vitaux aussi ainsi que la normalité de ses derniers. Ça peut me donner un excellent coup de main si je suis occupée sur autre chose. J’ai besoin aussi, que la personne qui m’assiste sache où ce trouve le matériel dont je peux avoir besoin. Je crois que vous êtes capable de ce genre de chose non?

Je lui faisais un beau sourire chaleureux avant de faire une pression douce sur son bras.

- Nous allons rouler les bandes de tissus ensemble … Est-ce que vous savez coudre par hasard?

Je savais coudre mais si elle aussi, cela me serait d’une grande aide pour coudre des bandes ensemble et faire des pansements compressifs.

Kayle me proposait de la tutoyer. Je comptais bien exaucer son souhait à l’avenir surtout qu’elle allait me donner un coup de main ici. Elle connaissait donc les deux homme depuis quelques années. Je souriais en coin en pensant à William, mais je devais me concentrer sur mes tâches. Il faut dire que je le laissais d’avantage avec son fils. Je ne voulais pas m’imposer ou être trop présente. Il savait où me trouver et le soir, je n’étais jamais bien loin de toute façon. La jeune femme était soulagée que Skylar soit ici et en vie. Je ne pouvais que la comprendre. Je n’avais personne de mon entourage avant que je cherchais. Ceux que j’aurais pu avoir était mort. Elle avait un superbe sourire et je lui répondais avec mon calme naturel.

- Je ne connaissais que William mais je sais qu’il est un homme bon qui ferait tout pour sa famille… Enfin, ton aide dans la recherche de son fils n’était pas que des échecs tu sais Kayle. Une once d’espoir et de soutient c’est parfois tout ce qu’il faut.

J’avais côtoyer suffisamment de gens pour savoir que la nervosité pouvait nous faire parler. J’ignorais si la jeune femme savait la relation que j’entretenais avec le père de Skylar et je n’avais pas envie de mettre ma vie devant elle comme ça. J’aimais avoir mon petit jardin secret mais je ne lui mentirai pas si elle me posait des questions. Elle était franche tant qu’à son boulot avant. Je me disais que si le public pouvait suivre une formation de secourisme alors n’importe qui pouvait me donner un coup de main. Elle avait le désir d’apprendre et c’était sans aucun doute le plus important.

- Si tu as de la volonté et le désir d’apprendre alors les choses seront faciles et tu assimileras plus vite. Je suis certaine que tu seras une excellente assistante.

Elle s’installait près de moi pour rouler les bandes de tissus. Elle savait également coudre des trous. C’était amplement suffisant pour la tâche que nous devions faire avec l’autre partie du tissus restant. Je me levais donc pour prendre le nécessaire à couture que j’avais trouvé. Il n’y avait pas des tonnes de choses mais quelques aiguilles et des bobines de fils de diverses couleurs. Je la mettais sur la table avant de continuer à rouler les bandes de tissus.

- Tu étais dans ta bulle et tu avais besoin de toi. Tu n’es pas une personne égoïste. Nous tentons tous de survivre et de garder une once de santé mentale comme nous pouvons Kayle. Je commence à m’habituer à la présence des gens ici. Il faut dire que j’ai été dans la nature durant près de six mois. J’ai pratiquement oublié le monde civilisé. Je suis heureuse d’être ici. C’est une sorte de seconde famille qui se forme à mes yeux. Tes talents de couture seront suffisant pour jumeler des bandes ensemble. Cela fera des compresses plus épaisses en cas de gros saignement.

Je remarquais son regard sur le sol. Je posais une main rassurante sur son avant-bras.

- Hey … Regarde-moi Kayle. Oublie ce qui a été fait et concentre-toi sur ce qui s’en vient. Tu veux bien faire ça pour moi?

Je lui faisais un sourire comme j’en avais fait des milliers. Je portais bien mon surnom de Snow. J’avais toujours espoir en l’humanité et j’avais redonné de l’espoir à William. Suffisamment d’espoir pour qu’il retrouve son fils. Je prenais alors la trousse de couture pour l’ouvrir et je choisissais un fils de couleur bleu. Je le passais dans l’aiguille avant de montrer à Kayle comment coudre les bandes adéquatement pour éviter que la couture ne parte en vrille dès le premier lavage.

- Tu dois avoir envie de me poser quelques questions non? Autant faire connaissance car nous allons passer du temps ensemble qu’est-ce que tu en penses? Alors d’où viens-tu? Moi, je suis de Chicago.

S’il y avait bel et bien une chose qui me faisait peur s’était que l’on me compare à la femme fabuleuse qu’avait été cette fameuse Lulu dans le coeur de William. Nous étions deux femmes différentes et je savais très bien que jamais je ne remplacerai la mère de Skylar dans le coeur de ce dernier. Cette femme avait une place de choix et je l’acceptais pleinement. Moi, je n’avais que lui. Nous ne cachions pas vraiment notre relation. Il aurait fallu être un peu aveugle pour ne pas la remarquer lorsque nous allions dans le salon le soir. Je tentais de garder mes distances dans la journée et encore plus devant son fils. Le jeune homme venait de perdre sa mère et il était dans son deuil profond. Son père avait eu le temps de faire du chemin. Kayle semblait ignorer totalement les sentiments que j’avais pour William et cela me faisait plaisir en quelque sorte. Je n’avais pas envie de me justifier ou encore d’expliquer où nous en étions. Cela nous appartenait. Nous étions deux adultes consentant après tout.

- Je suis certaine qu’elle était une femme absolument extraordinaire. Nous méritons tous le bonheur Kayle.

Bon … sauf peut-être certaines personnes mais je n’allais pas lui dire tout de même. Je lui faisais un beau sourire en continuant ma tâche. La brunette me faisait rire un peu en parlant de mon expérience dans la nature. Je retirais une mèche rebelle de mon visage.

- Disons que pour survivre dans la nature en nomade il faut avoir quelques compétences. Savoir faire du feu, monter un abris et ce genre de choses. Je pourrais te l’apprendre si ça t’intéresse un beau jou durant nos temps libres … Si tu n’es pas trop prise par Skylar.

Je lui posais ensuite des questions histoire de faire connaissance. La jolie jeune demoiselle venait donc de New York. Elle avait fait ses études ici et je souriais en l’écoutant. Elle semblait en pincer pour le fils de William. Si ce dernier avait une once du charme de son père, je ne pouvais que la comprendre. Elle me demandait si j’avais toujours été infirmière, je continuais de coudre dans le calme avant de lui répondre avec douceur. Une pointe de nostalgie devait paraître dans ma voix.

- J’étais infirmière chef en salle de traumatologie et urgences au Mercy Hospital comme ma mère avant moi. Elle m’avait donné le goût de faire ce métier haut en couleur et avec une charge de travail immense. Lorsqu’elle a prit sa retraite, j’ai pris son poste. Disons que je suis capable de m’occuper d’un petit rhume à une entaille en passant par un coup de feu et une crise cardiaque. Ça a ses avantages.

À mes yeux, nous étions tous des héros à notre façon. Nous n’avions pas tous les mêmes compétences et chacun apportait quelque chose de différent. J’avais l’espoir et les soins. Kayle allait probablement découvrir l’étincelle qui l’amenait à survivre. Je voyais déjà qu’elle était d’un soutient sans faille. Il ne m’avait fallu que quelques secondes pour le constater alors qu’elle était près de Skylar. C’était une magnifique qualité. L’arrière de ma tête me faisait encore souffrir un peu. Il faut dire que je n’avais pas raté mon coup en heurtant cette pièce. Je fermais les yeux quelques secondes alors que ça élançait avant de continuer ma tâche.

- Qu’est-ce que tu aimerais que je t’apprenne en particulier? Changer des pansements? Prendre correctement un pouls? Le nom de certains instruments que nous avons?

Kayle me faisait bien rire en disant qu’ils avaient tiré le gros lot, car j’étais ici. Ce n’était que le fruit du hasard en fait, car j’étais complètement épuisée à mon arrivée. Je n’avais que cette compétence à offrir étant donné que j’étais absolument inutile en combat ou autre truc du genre. Je souriais alors qu’elle me disait que j’allais pouvoir lui apprendre beaucoup de choses. Je comptais bien lui en apprendre des tonnes si elle le désirait.

- Qui sait, dans quelques mois tu sauras peut-être faire des sutures et ce genre de chose. Ce n’est pas plus pire que de coudre comme nous le faisons en ce moment, mais certains points marchent pour certaines plaies. Les points profonds, les fondants, ceux à retrait… Nous ne risquons pas de nous ennuyer. On va commencer par des choses simples.

J’avais un élancement à l’arrière de la tête et la jeune femme le remarquait directement. Je n’étais pas douée pour cacher ma douleur de toute façon. Je faisais oui de la tête avant de continuer ce que je faisais. Je n’avais pas envie qu’elle s’imagine que je n’étais pas apte à m’occuper de Skylar.

- Oh oui oui. Une mauvaise chute et je me suis cogné la tête contre une roche. Je vais mieux, mais parfois, j’ai un petit élancement. Ça passe en quelques secondes ne t’inquiète pas Kayle.

Je remarquais ensuite le regard de la jeune femme sur le fils de William. Elle semblait tellement l’aimer. Avec un peu de chance, elle le rendrait aussi heureux que William me rendait heureux à chaque seconde. Elle se mettait à me parler naturellement. Elle frôlait la notion de bien et de mal dont la ligne était si mince. Je continuais de coudre avec douceur.

- Tu sais Kayle. Si ce groupe désirait piller pour survivre, c’était qu’il ne voyait que cela comme solution. Beaucoup d’humains apprécient la guerre c’est vrai, mais la vie m’a appris, à travers mon travail, qu’un sourire bienveillant et une main délicate sur la sienne au bon moment pouvaient changer bien des choses. Tout être humain a besoin de soutient et de se sentir accepté. C’est fondamental tout comme se loger, se nourrir et se vêtir. Si les besoins de base ne sont pas comblés, il y a une rupture mentale importante pouvant amener à des gestes désespérés. Tu seras bien ici avec nous et puis … J’ai cru remarquer que tu n’étais pas si insensible que ça face à Skylar.