Il faut bien que tu te rendes un minimum utile, mon vieux. Tu ne sais pas faire grand-chose, contrairement à bien d’autres, avant tout ça, tu n’avais pas de métier, tu étais enfermé au fin fond d’une prison. Alors, ouais, tu avais quelques occupations, comme faire le tri des déchets, le recyclage et la lessive, parfois, mais franchement, est-ce que tu te vois, à nouveau, t’occuper des basses besognes dans ce style, ici ? Surement pas.

Tu as donc décidé, pour le coup, de te servir de ta combativité et de ton vieux caractère pour te mettre à contribution. Tu as entendu parler des soucis, avec la serre, au repas, il y a quelques jours, les gens sont occupés, et de moins en moins de personnes sont disposées à prendre le risque de sortir leurs fesses au-delà des clôtures, alors, contre toute attente, tu as levé la main, comme un brave – ou un fou – et tu as assuré que tu pouvais t’en occuper. Si tu es réellement aussi sûr de toi ? Certainement pas, mais au moins, ça te fait bouger un peu, parce que, l’inactivité, Elrik, est en train de te rendre complètement barjot.

Le jour J, on vient te placer dans les mains les clés d’une vieille bagnole, le plein n’est pas fait, mais il y a quand même de l’essence dans le réservoir, alors, tu embarques avec toi la matraque que tu as prise avec toi, le jour où tu t’es échappé de prison, et tu balances aussi une pelle dans le coffre, en te disant que l’allonge pourrait la rendre plus efficace que la matraque. Enfin, tu viens te placer au volant, tu démarres, et tout simplement, tu attends, sur le chemin qui mène à la ferme, à la sortie, tout près de la route, moteur à l’arrêt, parce que, visiblement, tu n’iras pas là-bas tout seul.

Tu n’as pas à attendre bien longtemps, pour que cette femme apparaisse, s’approche de la voiture, vienne cogner contre la vitre avant de venir s’installer à la place du passager. Si tes yeux bleus passent sur elle, un instant, quand elle ouvre la bouche, tu sens bien qu’elle n’a pas vraiment de temps à perdre et très franchement, ça te va. Tous les deux, vous avez un boulot à faire, autant le faire vite et le plus efficacement possible. « Elrik. » C’est tout ce que tu lui offres, en échange de son identité, la tienne, ton prénom uniquement parce que c’est bien suffisant, et puis, tu tournes à nouveau la clé pour démarrer la vieille voiture.

Vous n’avez pas de temps à perdre, Elrik, alors, quand tu tournes la tête sur la droite, et que tu constates qu’il y a du mouvement, toi, ça ne t’arrête pas. Des zombies, tu en as vu d’autres, ça ne t’effraie pas, d’autant que, vous êtes en sécurité, dans la voiture, vu la lenteur de ces choses infâmes. Ouais, enfin, ça, c’est ce que tu penses. Dans la pratique, mon vieux, tu appuies un peu trop vivement sur l’accélérateur, tu dérapes dans la terre sèche du chemin et tu te lances, probablement un peu trop vite sur la route. Si de loin, tu aurais imaginé un tout petit groupe de marcheurs, tu te rends bien vite compte qu’ils sont nombreux … « Qu’est-ce qu’ils foutent tous par ici ? » Tu demandes, dans un grognement alors que tu t’accroches au volant, que tu évites les premiers à une vitesse folle pour finalement, venir percuter un tout premier rôdeur de plein fouet, le corps roule sur le pare-brise, venant littéralement le briser et, surpris, tu te relâches, ton attention est détournée, tu donnes un coup de volant bien trop violent et clairement, oui, tu perds complètement le contrôle de la voiture qui fait une embardée, qui glisse sur la route, balayant plusieurs rôdeurs avant d’enchaîner avec deux tonneaux, et de s’immobiliser dans le fossé.

Spoiler:

Il y a maintenant plus de quinze ans que tu n’as pas conduit, Elrik, mais est-ce réellement une excuse ? Tu es certain que Jenny est d’avis que non, pour le coup, parce que … ouais, tu te précipites clairement, et c’est une grosse connerie que tu fais. Tu vas trop vite, mon vieux, et cette vieille voiture est loin d’être réellement maniable, tu as un mal de chien à la maintenir bien droite, alors, forcément, quand il s’agit d’éviter un par un des rôdeurs en plein milieu de la route, c’est un échec total et complet. Evidemment que tu en évites certains, mais bien trop vite, tu en percutes un – et un gros – qui vous envoient complètement dans le décor.

Tu ne comprends pas exactement ce qui se passe, Elrik, tout ce que tu sais, c’est que, quand la voiture s’arrête enfin de bouger, toi, tu sens l’odeur de la fumée, et surtout, cette douleur intense au niveau de ta cuisse. Tu ne sais pas bien comment tu as réussi à te blesser à cet endroit, mon vieux, mais quand tu passes une main dessus, et que tu la ramènes à toi … ça saigne, et pas qu’un peu. « Jenny ? » Tu finis par appeler le prénom de la jeune femme, te tournant vers elle pour vérifier son état, subitement inquiet de penser que, peut-être, tu l’as blessée, voir pire, avec ta conduite complètement désastreuse, pour le coup. « Ça pue, faut pas qu’on reste là … » Ouais, parce que, une voiture retournée, qui sent la fumée, ça pourrait exploser à tout moment.

Tu viens donc te mettre à cogner contre ta portière, qui a pris un mauvais coup, mais qui cède tout de même assez vite, tu t’extraies de la carcasse, et tu viens tendre la main pour tenter de récupérer la jeune femme.

Spoiler:

Plus de peur que de mal, visiblement … du moins, en ce qui la concerne parce que de ton côté, maintenant que tu es débout, on ne peut pas dire que tu ne ressentes pas plus vivement la douleur. Néanmoins, tu ne perds pas de temps non plus, tu viens tendre la main pour récupérer la jeune femme dans la carcasse et tu l’aides à se sortir de là. Elle n’a rien. Pas une égratignure, et tu ne peux pas t’empêcher de souffler à ce constat. « Je vais bien, c’est pas grand-chose. » En fait, tu n’en sais rien, parce que tu n’as pris le temps d’y jeter un œil pour de vrai, tu supposes que c’est une plaie, probablement dû à un élément qui est rentré dans ta chair, avant de ressortir pendant les tonneaux, mais c’est tout. Hors de question pour toi de t’y attarder plus que ça. Jenny, par contre, vient tout de même enrouler autour de ta cuisse un morceau de tissu qu’elle sert bien pour ralentir, amoindrir le saignement, tu la remercies simplement d’un signe de tête et tu viens déjà faire le tour de la voiture.

Elle est retournée sur le toit, et vu comme le moteur fume, tu comprends déjà qu’il est inutile de fournir des efforts pour la refaire basculer, elle est morte. Une grimace vient donc déformer ton visage, et puis, tu viens simplement ouvrir le coffre, y récupérer ton sac à dos, et la pelle que tu avais fourrée dedans avant de te redresser. « On peut continuer, je survivrais. » Et puis surtout, tu as ta petite fierté, tu ne rentreras pas à la ferme après dix minutes, la queue entre les jambes pour annoncer un échec aussi cuisant. « On a qu’à continuer à pieds, on trouvera peut-être une autre voiture sur la route. » Un espoir, ouais, maigre, mais un espoir quand même. « Filons d’ici, avant qu’ils ne se décident à venir nous chercher des noises ... » Parce que, oui, trois rôdeurs sont toujours là, encore occupés par le bruit et les corps déchiquetés au sol.

Spoiler: