Tu ne sais même d’où t’es subitement venu cet élan de violence … tu l’as simplement vu avancer vers vous deux, et puis, tu as vu son pied, cette cheville complètement pliée et à moitié sectionnée, tu as pensé que ce n’était pas humain, et ça t’as visiblement convaincue que tu pouvais le mettre à terre pour éviter qu’il ne vous fasse du mal. En tout cas, So-ah, après ça, il est bien évident que tu n’as plus spécialement envie de continuer ton shopping, aussi gratuit soit-il. Du coup, c’est toi qui le presse maintenant pour ressortir de là rapidement, et te voilà à avancer vers l’escalier mécanique, avant d’être retenue par le policier. Et pour cause, So-ah, si tout à l’heure, il n’y avait rien ni personne, maintenant, ça grouille de monde, ou plutôt, ça grouille de monstres.

Tu ne fais même pas attention au bidule complètement hors saison qu’il vient de te fourrer dans les mains, en fait, ton regard est fixé sur ces choses qui errent dans le magasin, probablement en attente de nourriture … encore une fois, une grimace vient déformer ton visage, jusqu’à ce qu’Adrian revienne à toi avec un mannequin, sans que tu ne comprennes pourquoi, dans un premier temps. En fait, tu ne comprends son plan que lorsqu’il balance littéralement l’objet à l’opposé de votre position, il attrape ensuite ton panier, sa hache et vous voilà tous les deux à courir jusqu’à la sortie de secours jusqu’à vous retrouver dans le couloir, alors qu’il referme la porte. « Oui … et toi ? » Et tes yeux se reposent sur lui, tandis que tu viens rechercher ton panier pour le soulager un peu. Dans ce couloir, il n’y a rien, So-ah, tu te dis donc que tu peux le traverser en tirant le panier à roulettes derrière toi, plutôt que de le laisser le porter.

Vous finissez par ressortir de l’autre côté, vous êtes de nouveau dans le parking complètement désert et tu avances rapidement jusqu’à la voiture, tu le laisses ouvrir une portière, et tu balances littéralement le panier avec le reste des affaires un peu en vrac à l’arrière de la voiture. Tout ce que tu prends, en fait, c’est le fameux sweat à capuche que tu viens attacher autour de ta taille, grâce aux manches histoire de l’avoir à portée de main lorsque les températures baisseront un peu, en soirée. « Tu sais où aller maintenant ? » Tu as l’impression de toujours poser les mêmes questions, il faut dire, So-ah, que tu ne maitrises rien, tu te laisses porter, et honnêtement, si tu devais donner un avis clair et sincère, tu dirais certainement que tu as eu ta dose de zombie pour une vie entière. Si tu savais, hein, ma grande, vraiment, si tu savais.

C’est sagement que tu finis par revenir prendre place dans la voiture, tu te cales correctement sur le siège, sans doute en prévision d’une longue route, et tu lâches simplement un soupire en te demandes où tu vas atterrir, et si vous allez réussir à vous en sortir rapidement …

Franchement, Adrian, t’aurais probablement pas dû l’emmener avec toi. Tu ne sais pas vraiment comment tu aurais pu faire, probablement dévaliser un magasin de plusieurs tailles en espérant que ça irait. Mais quand tu vois le nombre d’infectés qui rodent, tu te rends compte que tu mets vos deux vies en jeu et… ouais ça te dérange mon vieux. La tienne, c’est une chose normale, tu fais avec depuis longtemps, mais elle ? Elle n’a rien demandé à personne, voilà ce que tu retiens.

« Moi ? Tu te surprends quand elle te renvoie la question dans le couloir en reprenant son panier. Oui, oui, moi ça va. »

Et tu as probablement l’air un peu con, mais il faut dire que tu ne t’y attendais pas. Habituellement, les gens se soucient bien peu de ton état, soit parce qu’ils savent que tu es fort et que tu ne te laisseras pas toucher, soit parce qu’ils s’en fichent. Disons que le ratio de l’un et l’autre, ça doit être du 30-70%, ca laisse imaginer à quel point tu peux être apprécié comme type.

En marchant, tu secoues la tête pour chasser ça de ta tête. Vous finissez par atteindre le parking et cette fois-ci tu souffles ostensiblement quand tu comprends qu’il est vide. Vous parvenez à rallier ta voiture sans problème, et finalement, tu la laisses s’installer, tu t’éloignes de quelques pas pour vérifier la pompe à essence, prise d’assaut et en soupirant tu viens reprendre ta place de conduction.

« Non. Que tu lui réponds finalement un peu abruptement à sa question, en mettant le contact. On va s’éloigner d’Oklahoma-City, par la direction où il y aura le moins de trafic. L’idéal ce serait de trouver un endroit où dormir ce soir et ensuite… Tu inspires à fond, en détournant tes yeux d’elle. On trouvera un endroit pour te mettre en sécurité. »

Et bon, t’es pas certain que quelque chose comme ça arrive, toi, mais tu évites d’en parler. Dans l’idée, tu espères mettre la main sur une base militaire qui tienne encore le coup, au moins elle devrait être protégée là-bas et toi tu serviras à quelque chose. En attendant, tu quittes la zone commerciale en forçant le passage entre les voitures des gens paniqués, et quand tu vois les voies vers le sud presque à l’arrêt, tu pars vers le nord.

« D’ailleurs, merci pour tout à l’heure. Que tu fais entendre tout à coup. Mais tu n’étais pas obligée de te charger de ce monstre. J’ai dit que je te protégerais, tu n’as pas à te battre quand je le fais. Tes yeux glissent sur elle alors que tu entres sur une voie rapide quasiment vide. Reste en sécurité, c’est tout ce qui m’importe, d’accord ? »

Et tu vois, en vrai, t’essaies d’être gentil, de la protéger, mais ton ton est clairement un peu trop rude ou froid, parce que tu n’as aucune idée de comment dire ça. Habituellement, tu aboies des ordres et ça suffit. Là, t’es pas certain de pas la terrorisé si tu fais ça.

« Tu… faisais quoi avant de venir ici ? Que tu finis par lui demander, plus pour occuper le silence et essayé de paraître moins agressif. »

Tu es maintenant étrangement calme, So-ah. Pourtant, il vient de t’arriver des tonnes de choses troublantes, surprenantes, extrêmement dérangeantes, mais, tu es calme quand tu reviens t’asseoir dans la voiture, à croire qu’ici, au moins, tu te sens en sécurité. C’est surement parfaitement ridicule, mais il ne t’est rien arrivé dans cette voiture, au moins, alors, oui, ça t’apaise d’être là, et au moins, tu peux souffler, tu peux prendre le temps. Pendant qu’il roule, tu peux te reposer, et tu en as très certainement cruellement besoin. En fait, tu l’écoutes simplement t’expliquer qu’il ne sait pas tellement où vous allez, ça devrait probablement te faire peur, ça, mais encore une fois, tu ne dis rien, tu ne paniques pas, tu ne protestes pas, tu te contentes d’acquiescer pour signifier que tu as compris, et puis … c’est tout.

Ce n’est qu’au bout de quelques minutes, lorsqu’il s’est engagé sur une route qui te parait immédiatement plus fluide qu’il se remet à parler, toi, tu as eu le temps de poser ta tête contre la vitre, et tu viens simplement reposer les yeux sur lui en fronçant légèrement les sourcils. « Pourquoi ? » Tu demandes, subitement … parce que bon, tu pouvais le faire, tu l’as fait sans problème, d’ailleurs, tu n’as pas été blessée, il ne t’est rien arrivée, et ça t’as semblé plus simple que de te décaler pour lui laisser la place afin qu’il s’en occupe, lui. « On est deux … autant qu’on en profite. » Ouais, et tu ne veux pas dire par-là que tu prendras des risques stupides parce qu’il reste plus fort que toi, et que tu n’es pas une combattante. Pourtant, tu sais que, quand tu le pourras, comme aujourd’hui, et bien, oui, tu le feras So-ah. « Et puis si tu meurs, qui va me protéger ? » D’une logique implacable tes réflexions, n’est-ce pas, jeune fille ?

Tu te remets à gesticuler sur ton siège, en fait, tu cherches une bonne position pour t’installer, So-ah, tu en viens même à venir triturer les manettes de ton siège pour l’adapter à toi et te sentir plus confortable. « Tu veux dire, dans mon pays ? » Que tu réponds, à sa question, avant de réussir, enfin, à te caler comme ça te conviens, dans le siège légèrement allongé. « Chanteuse, danseuse. » Tu lui lances un regard de biais, sans savoir, en fait, quelle portée peut avoir ce genre de métier dans son pays. Chez toi, c’est quelque chose de sacrément populaire, le rêve d’énormément de jeunes femmes, tu as eu … la chance, disons d’être repérée, tu aurais pu aller loin, malheureusement, disons que tu as manqué de chance. « J’ai fait partie d’un groupe pendant un moment … mais ça s’est plutôt mal terminé. » Pire que ça, même, quand on y pense, cette tentative d’accéder au succès a complètement ruiner ta vie, tu aurais dû te concentrer sur tes études, So-ah, au moins, tu serais auprès des tiens à l’heure actuelle. « Tu n’as pas de famille ? » Tu aurais pu poser une question sur son métier, et lui renvoyer la balle de cette manière, clairement, mais tu sais déjà qu’il est policier, tu te vois mal engager une discussion inutile à ce sujet. Par contre, le fait qu’il n’est concentrée que sur toi, et ta protection est intriguant. « Pourquoi est-ce que tu ne cherches pas à rejoindre quelqu’un que tu aimes vraiment, au lieu de t’occuper de moi ? »

T’es pas vraiment concentré sur la route. C’est un fait assez habituel pour toi, parce qu’à force de sillonner les routes, tu as pris l’habitude d’être sacrément à l’aise derrière un volant. C’est pour ça que tu te permets de tourner plusieurs fois la tête, en lui causant… en plus que la route est sacrément vide. Du coup, ouais, tu parles, tu lui dis de faire attention, t’essaies de lui faire comprendre que sa sécurité compte plus que son aide.

« Parce que… Tu t’arrêtes, tu réfléchis alors qu’elle te mets ses arguments en plein nez et tu finis par grogner. Parce que je suis plus vieux que toi ! Et que je suis flic ! Et que… que… c’est comme ça ! »

Ah, et bah t’auras pas attendu longtemps avant de lui montrer un peu de ton mauvais caractère, tu ne crois pas ? Parce que ça, c’est typiquement toi. Quand t’as pas les arguments, tu finis juste par râler en inventant une vieille excuse nulle qui n’a aucune valeur et t’es bien capable de rester planté sur tes opinions dessus pour les heures… non les jours à venir.

Du coup, c’est quand même sacrément plus simple de relancer sur elle, sur d’où elle vient et du coup ce qu’elle faisait avant. Dans le fond, Adrian, t’espères probablement aussi un peu que tu comprendras pourquoi elle s’est retrouvée dans cette galère. Et pourtant, quand la réponse vient, tu ne fais que lever un sourcil surpris et tu tournes la tête vers elle en oubliant complètement la route pendant une dizaine de secondes. Jusqu’à sentir la voiture se déporter et revenir regarder devant toi.

« Vraiment ? Mais tu étais connue ? Et franchement, il y a de l’étonnement et dans tes yeux on peut voir que t’es vraiment impressionné. C’est pour ça que tu es ici ? On t’a enlevé à ton pays, parce que tu étais célèbre ? »

Tu ne vois pas vraiment comment ça peut être autre chose, parce que personne ne se mettrait de lui-même dans une merde pareille non ? Et tu es en train d’y réfléchir, en pianotant des doigts sur le volant, nerveusement, quand la question que tu ne voulais pas entendre est posée. Tu te figes… non tu te tends comme si tu allais casser et si tu tentes d’ignorer la question, quand elle vient préciser sa pensée, qu’elle parle de quelqu’un que tu aimes, à rejoindre, plutôt qu’elle, bah ça te brise le cœur. Pendant quelques minutes tu as l’air à mi-chemin entre la colère noir et la douleur et tu finis par chasser ça pour une froideur distante d’un gros soupire.

« Je n’ai plus de famille. Que tu lui apprends, simplement. Et je n’ai personne que je n’aime, personne à aller chercher ou à trouver. Tu finis par tourner les yeux vers elle, et pendant un instant, tu es presque tenté de lui dire qu’elle peut partir si ça la gêne, mais ta bouche, elle, décide de lui dire : Je ne voulais pas te laisser seule. Ca me va de m’occuper de toi. »

Tu ramènes tes yeux sur la route aussi sec, avec une brutalité certaine, et finalement, tu te rends compte que t’aurais pas dû causer en premier lieu, tu aurais évité ce genre de sujet. Alors tu appuies sur le bouton du poste radio, espérant y avoir de la musique, mais les fréquences sont vides et tu finis par l’éteindre en grognant.

« Essaie de te reposer, je vais rouler jusqu’à ce qu’il fasse nuit, ça te passera le temps. Que tu finis par lui lancer, avant de te renfrogner dans tes mauvais souvenirs. »

Ça te fais bizarre tiens, de reparler de tout ça, So-ah … tu en as eu tellement honte il faut dire, que depuis que l’Agence s’est séparée de toi et à décrété que tu leur devais cette somme d’argent hallucinante, tu as tout mis dans un coin, tu t’es efforcée de ne plus y penser, tu as probablement même essayer d’oublier. Et pourtant … tu l’as aimée cette période de ta vie, tu faisais ce que tu avais toujours voulu faire, ça s’est juste bien mal terminé, et ce n’était même pas de ta faute. Du coup, quand il continue de questionner à ce sujet, tu hausses mollement les épaules. « Dans mon pays, oui, pendant des mois … on a vendu des albums a l’international aussi. » Pas autant que l’agence l’aurait voulu, mais tu as souvent été lire a ton sujet sur le net, tu sais que tu avais des fans un peu partout dans le monde, même si ça n’a pas duré longtemps. « Oui et non … c’est plus compliqué que ça. Disons que chez moi, quand on veut se lancer on passe par une Agence et quand ils veulent monter un groupe … les membres ce sont … des outils. Ils investissent, et toi et bah, tu gagnes rien avant d’avoir rembourser. » Bon, tu ne sais pas si c’est clair, d’autant que c’est un système typiquement Coréen, tu ne penses pas que ça fonctionne comme ça. « Ça n’a pas marché, j’avais une grosse dette, et on m’a proposé de m’aider. » La suite n’est pas bien difficile à deviner : tu as été piégée, So-ah. Et ça vient dessiner une sale grimace sur ton visage tant tu te sens honteuse … tu aurais dû écouter tes parents, tu as fais pire que mieux, encore une fois.

Et te voilà maintenant à questionner a ton tour … et tu ne sais pas bien comment prendre l’expression que tu vois passer dans ses traits, entre colère sourde et douleur. S’il vient te répondre, tu sens bien que c’est plus profond que ça, sauf que tu ne creuseras pas plus, de quel droit le ferais tu ? « Ah … » Que tu lui sors, dans un soupire triste. « On est pareils alors, presque. » C’est que toi, ta famille est tellement loin que c’est pareil, tu n’as personne a chercher ou a rejoindre, c’est complètement impossible. Vous êtes seuls. « On est seuls ensemble … » Et tu te cales, tu t’installes en te tournant sur le côté, pour l’observer pendant qu’il conduit, silencieuse désormais. Tu vas probablement t’endormir comme ça, So-ah. « Moi aussi je m’occuperais toi … au moins, tu pourras toujours dire que tu m’as moi, en attendant. » En attendant qu’il se laisse, ou qu’il trouve quelqu’un de mieux, ou a aimer.