Tu es un triple idiot. Tu ne le sais pas encore, Icare, ça va venir vite comme information, mais tu l’es. Tout ce que tu te mets à dire, en te concentrant sur ton frère et non plus sur la jeune femme que tu es allée chercher, est d’une stupidité affligeante. Et il est fort probable, mon vieux, que c’est le choc de savoir Ekaitz vivant et ici, qui te pousse à perdre cette humanité qui est ta force autant que ta faiblesse. En tout cas, ca commence par la remarque de la jeune femme sur la pitié de son médecin pour elle. Tu plisses le nez avec dégoût à cette idée en secouant la tête; Elle n’a pas compris et toi, tu vois à cet instant le double-sens de ta question.

Tu es en train de te gifler mentalement pour avoir provoqué cette idée chez elle quand elle réagit à tes mots. Tu ne le vois pas venir, parce que tu es en train de prendre la fuite, mais elle réagit mal. Et finalement elle se lève, elle vient même t’arrêter en marche et avant que tu ne puisses réagir, sa main se lève et la douleur éclate sur ta joue. Tu recules d’un pas, pas de la violence de la claque mais de celle de la surprise, et tu encaisses ses mots en silence.

« De quoi tu parles ? Tu finis par articuler, en comprenant que… tu n’as rien compris. Je ne te vois pas comme un objet, d’où vois-tu ça dans mes paroles ? »

Et avant de pouvoir en dire plus, elle se met à pleurer, t’arrachant le cœur au passage. Tu pourrais fuir, parce que sa douleur te touche bien trop fort, mais tu ne le fais pas. En faite, mon vieux, tu es juste en train de prendre la conscience de tes mots, de tes gestes, de tout ce que tu as fait, quand elle parle de toi et d’Ekaitz. Et un frisson maladif vient te secouer, alors que tu souffles.

« Je ne prendrai pas sa place. »

C’est une promesse pour elle, parce que tu es certain qu’elle ne voudra pas de toi en tant qu’ami. Tu es bien trop cassé et cassant pour ça. Pourtant, tu ne bouges pas non plus, et quand elle finit par bouger pour s’enfuir, tu as un moment de retard. Elle est déjà en bas quand tu réagis. Tu sautes directement au sol, en retombant en roulade sur ta musculature sèche et tu l’arrêtes avant qu’elle ne sorte de la grange. Ta main sur la sienne, tu l’empêches de faire un pas de plus.

« Je n’ai jamais pensé que tu étais un objet. Que tu lui apprends, le visage crispé. Mais je t’ai fait pleurer. Tu lèves complètement maladroitement ta main libre pour tenter d’essuyer ses yeux et ses joues. Tu te méprends sur Eka… Il n’a pas pitié de toi, s’il a fait tout cela c’est que tu es spéciale pour lui. Tu reformules tes premiers dire pour être clair cette fois-ci, et ton visage se crispe encore plus. Et moi, je ne devrais pas venir interférer de tout ceci. Tu te penches vers elle, pour venir souffler à son oreille, l’empêchant de voir la culpabilité et la douleur dans tes yeux. Tu devrais lui demander combien je lui ai déjà fait de mal, tu comprendras pourquoi je te mettais en garde contre moi. »

Tu hésites, un instant, Icare, parce que maintenant que tu es contre elle, tu n’as pas envie de reculer. Le verger que son odeur t’offre est rassurant et tu n’as pas ressenti ça depuis longtemps. Pourtant, il te faut bouger, alors tu finis par venir poser tes lèvres rapidement contre ses cheveux, et tu ouvres une dernière fois la bouche.

« Merci pour le cadeau. Si tu veux toujours apprendre la chasse et la pêche, tu sais où me trouver. »

Et tu la relâches pour partir aussi vite que silencieusement dans le cas, disparaissant dans les ombres pour ne pas attirer l’attention des veilleurs.